*Le secret, Op. 23 No 3, Pleurs d'or, Op. 72, Puisqu'ici-bas toute âme, Op. 10 No 1, Mai, Op. 1 No 2, Lydia, Op. 4 No 2, Aurore, Op. 39 No 1, Automne, Op. 18 No 3, Les présents, Op. 46 No 1, Noël, Op. 43 No 1.
El lied francés
urante mucho tiempo, el lied como lo creó Schubert y lo continuaron Schumann y Brahms, fue un producto que parecía propio del idioma Alemán. Pero como es lógico, otros pueblos también hallarían en esta sutil e íntima combinación entre poesía y música, un medio para expresar los sentimientos, como lo hicieron: Modesto Mussorgsky (Rusia), Edvard Grieg (Noruega) y Antonín Dvořák (Checoslovaquia), o para nuestro caso, una escuela que amoldaría el lied romántico a su carácter nacional, la francesa de fines de siglo, perteneciente al período llamado "Belle Époque", extendiéndose, con diversos cambios debidos al desarrollo de la canción 'folklórica' y de la canción napolitana, hacia las primeras décadas del siglo XX.
Los compositores más representativos se hallan, estilísticamente, entre César Franck, romántico, y el impresionismo de Debussy, pasando por Gabriel Fauré, Maurice Ravel y Francis Poulenc entre otros.
No está de más señalar que muchas veces coincide una vida terriblemente trágica con el don especial de expresarse en los finísimos moldes del lied, tal es el caso de Robert Schumann, Hugo Wolf o Henri Duparc, que terminarían sus vidas en los claustros de la locura.
Entre los principales inspiradores del lied francés se halla Paul Marie Verlaine (Metz, Francia, 30 de marzo de 1844 - † París, Francia, 8 de enero de 1896), poeta francés perteneciente al movimiento simbolista, cuyos finísimos versos fueron muchas veces puestos en música. También es grande la influencia de de Charles Baudelaire (9 de abril de 1821 - † 31 de agosto de 1867) poeta, crítico de arte y traductor francés.
Gabriel Fauré, de destacada actuación en la vida musical parisiense, dejó una serie de bellos lieder, como ser: Le secret, Op. 23 No 3, Pleurs d'or, Op. 72, Puisqu'ici-bas toute âme, Op. 10 No 1, Mai, Op. 1 No 2, Lydia, Op. 4 No 2, Aurore, Op. 39 No 1, Automne, Op. 18 No 3, Les présents, Op. 46 No 1, por dar algunos ejemplos.
Texto en Francés, de los Lieder Op. 01 a Op. 43
Op. ? "Dans la plaine immense"
Text by Paul de Chazot
Music by Gabriel Fauré,
without opus number
Dans la plaine immense,
Le travail commence
Aux feux du matin,
Au doux chant des merles,
Quand d'humides perles
Tremblant sur le thym,
Enfants, jeunes filles,
prenez vos faucilles
Coupez blés et fleurs;
Quand la plaine est blonde,
Chantez votre ronde,
Joyeux moissonneurs.
Chantez, chantez, joyeux moissonneurs.
Fauchez sans relâche,
Hardis à la tâche,
Fauchez le sillon,
Les épis superbes
Qui roulent leurs gerbes
Dans un tourbillon;
La vive alouette
Se lêve inquiète,
Craignant pour son nid;
La jeune couvée
Sera préservée,
Car Dieu la bénit.
Chantez, chantez, joyeux moissonneurs.
Op. ?? "En prière"
Text by Stephan Bordèse (b. 1847)
Music by Gabriel Fauré,
without opus number (1889),
first published 1890,
dedicated to Mme. Leroux Ribeyre
Si la voix d'un enfant peut monter jusqu'à Vous,
Ô mon Père,
Écoutez de Jésus, devant Vous à genoux,
La prière!
Si Vous m'avez choisi pour enseigner vos lois
Sur la terre,
Je saurai Vous servir auguste Roi des rois,
Ô Lumière!
Sur mes lèvres, Seigneur, mettez la vérité
Salutaire,
Pour que celui qui doute, avec humilité
Vous révère!
Ne m'abandonnez pas, donnez-moi la douceur
Nécessaire,
Pour apaiser les maux, soulager la douleur,
La misère!
Révèlez Vous à moi, Seigneur en qui je crois
Et j'espère:
Pour Vous je veux souffrir et mourir sur la croix,
Au calvaire!
Op.1 no.1 "Le papillon et la fleur"
Text by Vicomte Victor Marie Hugo (1802-1855)
Music by Gabriel Fauré, Op. 1 no. 1 (1861),
first published in 1869,
dedicated to Caroline Miolan-Carvalho
La pauvre fleur disait au papillon céleste:
Ne fuis pas!...
Vois comme nos destins sont différents, je reste.
Tu t'en vas!
Pourtant nous nous aimons, nous vivons sans les hommes,
Et loin d'eux!
Et nous nous ressemblons et l'on dit que nous sommes
Fleurs tous deux!
Mais hélas, l'air t'emporte, et la terre m'enchaine.
Sort cruel!
Je voudrais embaumer ton vol de mon haleine.
Dans le ciel!
Mais non, tu vas trop loin, parmi des fleurs sans nombre.
Vous fuyez!
Et moi je reste seule à coir tourner mon ombre.
A mes pieds!
Tu fuis, puis tu reviens, puis tu t'en vas encore
Luire ailleurs!
Aussi me trouves-tu toujours à chaque aurore
Tout en pleurs!
Ah! pourque notre amour coule des jours fidèles.
Ô mon roi!
Prends comme moi raeine ou donne-moi des ailes
Comme toi!
Op.1 no.2 "Mai"
Text by Vicomte Victor Marie Hugo (1802-1855)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 1 no. 2 (1862?),
first published 1871,
dedicated to Mme. Henri Garnier
Puis-que Mai tout en fleurs dans les prés nous réclame.
Viens, ne te lasse pas de mêler à ton âme
La campagne, les bois, les ombrages charmants,
Les larges clairs de lune au bord des flots dormants:
Le sentier qui finit où le chemin commence.
Et l'air, et le printemps et l'horizon immense.
L'horizon que ce monde attache humble et joyeux,
Comme une lèvre au bas de la robe des cieux.
Viens, et que le regard des pudiques étoiles,
Qui tombe sur la terre à travers tant de voiles.
Que l'arbre pénétré de parfum et de chants.
Que le souffle embrasé de midi dans les champs;
Et l'ombre et le soleil, et l'onde, et la verdure,
Et le rayonnement de toute la nature,
Fassent épanouir, comme une double fleur,
La beauté sur ton front et 'amour dans ton coeur!
Op.2 no.1 "Dans les ruines d'une abbaye"
Text by Vicomte Victor Marie Hugo (1802-1855)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 2 no. 1 (1866?),
first published 1869,
dedicated to Henriette Escalier
Seuls, tous deux, ravis, chantants,
Comme on s'aime;
Comme on cueille le printemps
Que Dieu sème.
Quels rires étincelants
Dans ces ombres,
Jadis pleines de fronts blancs,
De coeurs sombres.
On est tout frais mariés,
On s'envoie
Les charmants cris variés
De la joie!
Frais échos mèlés
Au vent qui frissonne.
Gaîté que le noir couvent
Assaisonne.
On effeuilles des jasmins
Sur la pierre.
Où l'abbesse joint les mains,
En prière.
On se cherche, on se poursuit,
On sent croître
Ton aube, Amour, dans la nuit
Du vieux cloître.
On s'en va se becquetant,
On s'adôre,
On s'embrasse à chaque instant,
Puis encore,
Sous les piliers, les arceaux,
Et les marbres,
C'est l'histoire des oiseaux
Dans les arbres.
Op.2 no.2 "Les matelots"
Text by Théophile Gautier (1811-1872)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 2 no. 2 (1870?),
first published 1876,
dedicated to Mme. Edouard Lalo
Sur l'eau bleue et profonde,
Nous allons voyageant.
Environnant le monde
D'un sillage d'argent.
Des îles de la Sonde,
De l'Inde au ciel brulé,
Jusqu'au pòle gelé!
Nous pensons à la terre
Que nous fuvons toujours.
A notre vieille mère,
A nos jeunes amours.
Mais la vague légère
Avec son doux refrain,
Endort notre chagrin!
Existence sublime,
Bercés par notre nid.
Nous vivons sur l'abime,
Au sein de l'infini,
Des flots rasant la cîme.
Dans le grand désert bleu
Nous marchons avec Dieu!
Op.3 no.1 "Seule!"
Text by Théophile Gautier (1811-1872)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 3 no. 1,
composed and first published in 1871,
dedicated to E. Fernier
Dans un baiser l'onde au rivage
Dit ses douleurs!
Pour consoler la fleur sauvage
L'aube a des pleurs.
Le vent du soir conte sa plainte
Aux vieux cyprès,
La tourterelle au térébinthe
Ses longs regrets.
Aux flots dormants, quand tout repose
Hors la douleur;
La lune parle et dit la cause
De sa pâleur.
Ton dôme blanc, Saint Sophie,
Parle au ciel bleu,
Et tout rêveur le ciel confie
Son rêve à Dieu!
Arbre ou tombeau, colombe ou rose,
Onde ou rocher.
Tout ici-bas a quelque chose
Pour s'épancher
Moi je suis seule et rien au monde
Ne me répond!
Rien que ta voix morne et profonde,
Sombre Hellespont!
Op.3 no.2 "Sérénade Toscane"
French text by Romain Bussine in an adaptation of an anonymous Italian text
Music by Gabriel Fauré,
Op. 3 no. 2 (1878?),
first published 1879,
dedicated to the Baroness de Montagnac,
née de Rosalès
Ô toi que berce un rêve enchanteur,
Tu dors tranquille en ton lit solitaire,
Éveillei-toi, regarde le chanteur,
Esclave de tes yeux, dans la nui claire!
Éveille-toi mon âme, ma pensée,
Entends ma voix par la brise emportée:
Entends ma voix chanter!
Entends ma voix pleurer, dans la rosée!
Sous ta fenêtre en vain ma voix expire.
Et chaque nuit je redis mon martyre,
Sans autre abri que la voùle étoilée.
Le vent brise ma voix et la nuit est glacée:
Mon chant s'éteint en un accent suprême,
Ma lèvre tremble en murmurant je t'aime.
Je me peux plus chanter!
Ah! daigne te montrer! daigne apparaitre!
Si j'étais sûr que tu ne veux paraître
Je m'en irais, pour t'oublier, demander au sommeil
De me bercer jusqu'au matin vermeil,
De me bercer jusqu'à ne plus t'aimer!
Op.4 no.1 "Ma belle amie est morte"
Text by Théophile Gautier (1811-1872)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 4 no. 1 "Chanson du pêcheur (Lamento)"
Ma belle amie est morte,
Je pleurerai toujours;
Sous la tombe elle emporte
Mon âme et mes amours.
Dans le ciel, sans m'attendre,
Elle s'en retourna;
L'ange qui l'emmena
Ne voulut pas me prendre.
Que mon sort es amer!
Ah! sans amour s'en aller sur la mer!
La blanche créature
Est couchée au cercueil;
Comme dans la nature
Tout me paraît en deuil!
La colombe oubliée
Pleure et songe à l'absent;
Mon âme pleure et sent
Qu'elle est dépareillée.
Que mon sort est amer!
Ah! sans amour s'en aller sur la mer!
Sur moi la nuit immense
[S'étend] comme un linceul,
Je chante ma romance
Que le ciel entend seul.
Ah! comme elle était belle,
Et [comme] je l'aimais!
Je n'aimerai jamais
Une femme autant qu'elle
Que mon sort est amer!
Ah! sans amour s'en aller sur la mer!
S'en aller sur la mer!
Op.4 no.2 "Lydia"
Text by Charles-Marie-René Leconte de Lisle (1818-1894)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 4 no. 2
Lydia sur tes roses joues
Et sur ton col frais et si blanc,
Roule étincelant
L'or fluide que tu dénoues;
Le jour qui lui est le meilleur,
Oublions l'éternelle tombe.
Laisse tes baisers de colombe
Chanter sur ta lèvre en fleur.
Un lys caché répand sans cesse
Une odeur divine en ton sein;
Les délices comme un essaim
Sortent de toi, jeune déesse.
Je t'aime et meurs, ô mes amours.
Mon âme en baisers m'est ravie!
O Lydia, rends-moi la vie,
Que je puisse mourir, mourir toujours!
Op.5 no.1 "Chant d'automne"
Text by Charles Baudelaire (1821-1867)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 5 no. 1,
composed 1871? first published 1879,
dedicated to Mme. M. Camille Clerc
Bientôt nous plongerons dans les froides ténêbres,
Adieu vive clarté de nos étés trop courts!
J'entends déjà tomber, avec [un choc funèbre],
Le bois retentissant sur le pavé des cours.
[Tout l'hiver va rentrer dans mon être: colère,
Haine, frissons, horreur, la beur dur et forcé,
Et, comme le soleil dans son enfer polaire,
Mon coeur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacé.]
J'écoute en frémissant chaque bûche qui tombe;
L'échafaud qu'on bâtit n'a pas d'écho plus sourd.
Mon esprit est pareil à la tour qui succombe
Sous les coups du bélier infatigable et lourd.
Il me semble, bercé par ce choc monotone,
Qu'on cloue en grande hâte un cercueil quelque part!
Pour qui? c'était hier l'été; voici l'automne!
Ce bruit mystérieux sonne comme un départ!
J'aime, de vos longs yeux, la lumière verdâtre.
Douce beauté! mais [aujourd'hui tout] m'est amer!
Et rien ni votre amour ni le boudoir, ni l'âtre,
Ne me vaut le soleil rayonnant sur la mer!
[Et pour tant aimez moi, tendre coeur! soyez mère,
Même pour un ingrat, même pour un méchant;
Amante ou soeur, soyez la douceur éphémère
D'un glorieux automne ou d'un soleil couchant.
Courte câche! La tombe attend; elle est a vide!
Ah! laissez moi, mon front posé sur vos genoux,
Goûter, en regrettant l'été blanc et torride,
De l'arrière saison le rayon jaune et doux!]
Op.5 no.2 "S'il est un charmant gazon"
Text by Vicomte Victor Marie Hugo (1802-1855),
No 22 of Les Chants du Crépuscule (1834)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 5 no. 2,
"Rêve d'amour"
S'il est un charmant gazon
Que le ciel arrose,
Où [brille] en toute saison
Quelque fleur éclose,
Où l'on cueille à pleine main
Lys, chèvre-feuille et jasmin,
J'en veux faire le chemin
Où ton pied se pose!
S'il est un sein bien aimant
Dont l'honneur dispose,
Dont le ferme dévouement
N'ait rien de morose,
Si toujours ce noble sein
Bat pour un digne dessein,
J'en veux faire le coussin
Où ton front se pose!
S'il est un rêve d'amour,
Parfumé de rose,
Où l'on trouve chaque jour
Quelque douce chose,
Un rêve que Dieu bénit,
Où l'âme à l'âme s'unit,
Oh! j'en veux faire le nid
Où ton coeur se pose!
Op.5 no.3 "L'absent"
Text by Vicomte Victor Marie Hugo (1802-1855)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 5 no. 3 (1871),
first published 1879,
dedicated to Romain Bussine
Sentiers où l'herbe sa balance,
Vallons, côteaux, bois chevelus,
Pourquoi ce deuil et ce silence?
"Celui qui venait ne vient plus!"
Pourquoi personne à ta fenêtre?
Et pourquoi ton jardin sans fleurs?
Ô maison où donc est ton maîre?
"Je ne sais pas! il est ailleurs."
Chien veille au logis! "Pourquoi faire?
La maison est vide à présent!"
Enfant qui pleures-tu? "Mon père!"
Femme, qui pleures-tu? "L'absent!"
Où donc est-il allé? "Dans l'ombre!"
Flots qui gémissez sur l'écueil,
D'où venez-vous? "Du bagne sombre!"
Et qu'apportez-vous? "Un cerceuil!"
Op.6 no.1 "Aubade"
Text by Louis Pommey
Music by Gabriel Fauré,
Op. 6 no. 1 (1873),
dedicated to Amélie Duez
L'oiseau dans le buisson
À salué l'aurore,
Et d'un pâle rayon
L'horizon se colore,
Voici le frais matin!
Pour voir les fleurs à la lumière.
S'ouvrir de toute part.
En trouvre ta paupière,
Ô vierge au doux regard!
La voix de ton amant
A dissipé ton rêve
Je vois ton rideau blanc
Qui tremble et se soulève,
D'amour signal charmant!
Descends sur ce tapis de mousse
La brise est tiède encor,
Et la lumière est douce,
Accours, ô mon tresor!
Op.6 no.2 "Tristesse"
Text by Théophile Gautier (1811-1872)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 6 no. 2 (1873),
first published in 1876,
dedicated to Mme Edouard Lalo
Avril est de retour,
La première des roses,
De ses lèvres micloses,
Rit au premier beau jour,
La terre bien heureuse
S'ouvre et s'épanouit
Tont aime, tout jouit,
Hélas! j'ai dans le coeur
Une tristesse affreuse!
Les buveurs en gaité,
Dans leurs chansons vermeilles,
Célébrent sous les treilles
Le vin et la beauté,
La musique joyeuse,
Avec leur rire clair,
S'éparpille dans l'air.
Hélas! j'ai dans le coeur
Une tristesse affreuse!
En déshabillé blanc
Les jeunes demoiselles
S'en vont sous les tonnelles
Au bras de leur galant,
La Inne langoureuse
Argente leurs baisers
Longuement appuyés,
Hélas! j'ai dans le coeur
Une tristesse affreuse!
Moi je n'aime plus rien.
Ni l'homme ni la femme,
Ni mon corps, ni mon âme,
Pas même mon vieux chien:
Allez dire qu'on creuse
Sous le pâle gazon
Une fosse sans nom.
Hélas! j'ai dans le coeur
Une tristesse affreuse!
Op.6 no.3 "Sylvie"
Text by Paul de Choudens (1850-1925)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 6 no. 3 (1878),
first published 1879,
dedicated to the Viscountess de Gironde
Si tu veux savoir ma belle,
Où s'envole à tire d'aile,
L'oiseau qui chantait sur l'ormeau?
Je te le dirai ma belle,
Il vole vers qui l'appelle
Vers celui-là
Qui l'aimera!
Si tu veux savoir ma blonde,
Pourquoi sur terre, et sur l'onde
La nuit tout s'anime et s'unit?
Je te le dirai ma blonde,
C'est qu'il est une heure au monde
Où, loin du jour,
Veille l'amour!
Si tu veux savoir Sylvie,
Pourquoi j'aime a la folie
Tes yeux brillants et langoureux?
Je te le dirai Sylvie,
C'est que sans toi dans la vie
Tout pour mon coeur
N'est que douleur!
Op.7 no.1 "Après un rêve"
Text by Romain Bussine
Music by Gabriel Fauré,
Op. 7 no. 1 (1878),
published 1878,
dedicated to Marguerite Baugnies
Dans un sommeil que charmait ton image
Je rêvais le bonheur ardent mirage,
Tes yeux étaient plus doux, ta voix pure et sonore,
Tu rayonnais comme un ciel éclairé par l'aurore;
Tu m'appelais et je quittais la terre
Pour m'enfuir avec toi vers la lumière,
Les cieux pour nous entr'ouvraient leurs nues,
Splendeurs inconnues, lueurs divines entrevues,
Hélas! Hélas! triste réveil des songes
Je t'appelle, ô nuit, rends moi tes mensonges,
Reviens, reviens radieuse,
Reviens ô nuit mystérieuse!
Op.7 no.2 "Hymne"
Text by Charles Baudelaire (1821-1867)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 7 no. 2 (1870),
first published 1871,
dedicated to Félix Lévy
À la très chère, à la très belle,
Qui remplit mon coeur de clarté,
À l'ange, à l'idole immortelle,
Salut en immortalité,
Salut en immortalité!
Elle se répand dans ma vie,
Comme un air imprégné de sel,
Et dans mon âme inassouvie,
Verse le goût de l'Eternel
Comment, amor incorruptible,
T'exprimer avec vérité,
Grain de musc, qui gîs invisible,
Au fond de mon éternité?
À la très chère, à la très belle,
Qui remplit mon coeur de clarté,
À l'ange, à l'idole immortelle,
Salut en immortalité,
Salut en immortalité!
Op.7 no.3 "Barcarolle"
Text by Marc Monnier (1827-1885)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 7 no. 3 (1873),
first published 1877,
dedicated to Pauline Viardot
Gondolier du Rialto
Mon château c'est la lagune,
Mon jardin c'est le Lido.
Mon rideau le clair de lune,
Gondolier du grand canal,
Pour fanal j'ai la croisée
Où s'allument tous les soirs,
Tes yeux noirs mon épousée.
Ma gondole est aux heureux,
Deux à deux je ls promène,
Et les vents légers et frais
Sont discret sur mon domaine.
J'ai passé dans les amours,
Plus de jours et de nuits folles,
Que Venise n'a d'ilots
Que ses flots n'ont de gondoles.
Op.8 no.1 "Au bord de l'eau"
Text by René-François Sully-Prudhomme (1839-1907)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 8 no. 1 (1875),
first published 1877,
dedicated to Claudie Chamerot
S'asseoir tous deux au bord du flot qui passe,
Le voir passer,
Tous deux s'il glisse un nuage en l'espace,
Le voir glisser,
À l'horizon s'il fume un toit de chaume
Le voir fumer,
Aux alentours si quelque fleur embaume
S'en embaumer,
Entendre au pied du saule où l'eau murmure
L'eau murmurer,
Ne pas sentir tant que ce rêve dure
Le temps durer.
Mais n'apportant de passion profonde
Qu'à s'adorer,
Sans nul souci des querelles du monde
Les ignorer;
Et seuls tous deux devant tout ce qui lasse
Sans se lasser,
Sentir l'amour devant tout ce qui passe
Ne point passer!
Op.8 no.2 "La rançon"
Text by Charles Baudelaire (1821-1867)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 8 no. 2 (1871?),
first published 1879,
dedicated to Henri Duparc
L'homme a, pour payer sa rançon
Deux champs au tuf profond et riche,
Qu'il faut qu'il remue et défriche
Avec le fer de la raison
Pour obtenir la moindre rose,
Pour extorquer quelques épis,
Des pleurs salés de son front gris,
Sans cesse il faut qu'il les arrose!
L'un est l'Art et l'autre, l'Amour:
Pour rendre le juge propice,
Lorsque de la stricte justice
Paraitra le terrible jour,
Il faudra lui montrer des granges
Pleines de moissons et de fleurs,
Dont les formes et les couleurs
Gagnent le suffrage des Anges.
Op.8 no.3 "Ici-bas!"
Text by René-François Sully-Prudhomme (1839-1907)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 8 no. 3 (1874?),
published 1877,
dedicated to Mme. Georges Lecoq,
née Mac-Brid
Ici-bas tous les lilas meurent,
tous les chants des oiseaux sont courts,
je rêve aux étés qui demeurent toujours!
Ici-bas les lèvres effleurent
sans rien laisser de leur velours,
je rêve aux baisers qui demeurent toujours!
Ici-bas, tous les hommes pleurent
leurs amitiés ou leurs amours,
je rêve aux couples qui demeurent toujours!
Op.18 no.1 "Nell"
Text by Charles-Marie-René Leconte de Lisle (1818-1894)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 18 no. 1 (1878),
first published 1880,
dedicated to Mme.
Camille Saint-Saëns
Ta rose de pourpre à ton clair soleil,
Ô Juin. Étincelle enivrée,
Penche aussi vers moi ta coupe dorée:
Mon coeur à ta rose est pareil.
Sous le mol abri de la feuille ombreuse
Monte un soupir de volupté:
Plus d'un ramier chante au bois écarté.
Ô mon coeur, sa plainte amoureuse.
Que ta perle est douce au ciel enflammé.
Étoile de la nuit pensive!
Mais combien plus douce est la clarté vive
Qui rayonne en mon coeur, en mon coeur charmé!
La chantante mer. Le long du rivage,
Taira son murmure éternel,
Avant qu'en mon coeur, chère amour.
Ô Nell, ne fleurisse plus ton image!
Op.18 no.2 "Le voyageur"
Text by Armand Silvestre (1837-1901)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 18 no. 2 (1878?),
first published 1880,
dedicated to Emmanuel Jadin
Voyageur, où vas-tu, marchant
Dans l'or vibrant de la poussière?
"Je m'en vais au soleil couchant,
Pour m'endormir, dans la lumière,
Car j'ai vécu nayant qu'un Dieu.
L'astre qui luit et qui féconde.
Et c'est dans son linceul de feu
Que je veux m'en aller du monde!"
Voyageur, presse donc le pas:
L'astre, vers l'horizon, decline...
"Que m'importe, j'irai plus bas
L'attendre au pied de la colline.
Et lui montrant mon coeur ouvert.
Saignant de son amour fidèle.
Je lui dirai: j'ai trop souffert.
Soleil! emporte moi loin d'elle!"
Op.18 no.3 "Automne"
Text by Armand Silvestre (1837-1901)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 18 no. 3 (1878),
first published 1880,
dedicated to Alice Boissonnet
Automne au ciel brumeux, aux horizons navrants.
Aux rapides couchants, aux aurores pâlies.
Je regarde couler, comme l'eau du torrent.
Tes jours faits de mélancolie.
Sur l'aile des regrets mes esprits emportes,
Comme s'il se pouvait que notre âge renaisse!
Parcourent en rêvant les coteaux enchantés,
Où, jadis, sourit ma jeunesse!
Je sens, au clair soleil du souvenir vainqueur.
Refleurir en bouquet les roses deliées.
Et monter à mes yeux, des larmes, qu'en mon coeur.
Mes vingt ans avaient oubliées!
Op.21 "Poëme d'un jour: Rencontre"
Text by Charles Jean Grandmougin (1850-1930)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 21 (1878),
first published 1880,
dedicated to the Countess de Gauville
1.Rencontre
2.Toujours
3.Adieu
1. Rencontre
J'étais triste et pensif quand je t'ai rencontrée,
Je sens moins aujourd'hui mon obstiné tourment;
Ô dis-moi, serais-tu la femme inespéré,
Et le rêve idéal poursuivi vainement?
Ô, passante aux doux yeux, serais-tu donc l'amie
Qui rendrait le bonheur au poète isolé,
Et vas-tu rayonner sur mon âme affermie,
Comme le ciel natal sur un coeur d'exilé!
Ta tristesse sauvage, à la mienne pareille,
Aime à voir le soleil décliner sur la mer!
Devant l'immensité ton extase s'éveille,
Et le charme des soirs à ta belle âme est cher;
Une mystérieuse et douce sympathie
Déjà m'enchaîne à toi comme un vivant lien,
Et mon âme frémit, par l'amour envahie,
Et mon coeur te chérit sans te connaître bien!
2. Toujours
Vous me demandez de ma taire,
De fuir loin de vous pour jamais,
Et de m'en aller, solitaire,
Sans me rappeler qui j'aimais!
Demandez plutôt aux étoiles
De tomber dans l'immensité,
À la nuit de perdre ses voiles,
Au jour de perdre sa clarté,
Demandez à la mer immense
De dessécher ses vastes flots,
Et, quand les vents sont en démence,
D'apaiser ses sombres sanglots!
Mais n'espérez pas que mon âme
S'arrache à ses âpres douleurs
Et se dépouille de sa flamme
Comme le printemps de ses fleurs!
3. Adieu
Comme tout meurt vite, la rose
Déclose,
Et les frais manteaux diaprés
Des prés;
Les longs soupirs, les bienaimées,
Fumées!
On voit dans ce monde léger
Changer,
Plus vite que les flots des grèves,
Nos rêves,
Plus vite que le givre en fleurs,
Nos coeurs!
À vous l'on se croyait fidèle,
Cruelle,
Mais hélas! les plus longs amours
Sont courts!
Et je dis en quittant vos charmes,
Sans larmes,
Presqu'au moment de mon aveu,
Adieu!
Op.23 no.1 "Les berceaux"
Text by René-François Sully-Prudhomme (1839-1907)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 23 no. 1 (1879),
first published in 1881,
dedicated to Alice Boissonnet
Le long du Quai, les grands vaisseaux,
Que la houle incline en silence,
Ne prennent pas garde aux berceaux,
Que la main des femmes balance.
Mais viendra le jour des adieux,
Car il faut que les femmes pleurent,
Et que les hommes curieux
Tentent les horizons qui leurrent!
Et ce jour-là les grands vaisseaux,
Fuyant le port qui diminue,
Sentent leur masse retenue
Par l'âme des lointains berceaux.
Op.23 no.2 "Notre amour"
Text by Armand Silvestre (1837-1901)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 23 no. 2 (1879?),
first published 1882,
dedicated to Mme A. Castillon
Notre amour est chose légère,
Comme les parfums que le vent
Prend aux cimes de la fougère,
Pour qu'on les respire en rêvant;
Notre amour est chose légère!
Notre amour est chose charmante,
Comme les chansons du matin,
Où nul regret ne se lamente,
Où vibre un espoir incertain;
Notre amour est chose charmante!
Notre amour est chose sacrée,
Comme les mystères des bois,
Où tressaille une âme ignorée,
Où les silences ont des voix;
Notre amour est chose sacrée!
Notre amour est chose infinie,
Comme les chemins des couchants,
Où la mer, aux cieux réunie,
S'endort sous les soleils penchants;
Notre amour est chose éternelle,
Comme tout ce qu'un dieu vainqueur
A touché du feu de son aile,
Comme tout ce qui vient du coeur;
Notre amour est chose éternelle!
Op.23 no.3 "Le secret"
Text by Armand Silvestre (1837-1901)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 23 no. 3 (1880-1),
first published 1881,
dedicated to Alice Boissonnet
Je veux que le matin l'ignore
Le nom que j'ai dit à la nuit,
Et qu'au vent de l'aube, sans bruit,
Comme un larme il s'évapore.
Je veux que le jour le proclame
L'amour qu'au matin j'ai caché,
Et sur mon coeur ouvert penché
Comme un grain d'encens il l'enflamme.
Je veux que le couchant l'oublie
Le secret que j'ai dit au jour,
Et l'emporte avec mon amour,
Aux plis de sa robe pâlie!
Op.27 no.1 "Chanson d'amour"
Text by Armand Silvestre (1837-1901)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 27 no. 1 (1882),
first published 1882,
dedicated to Jane Huré
J'aime tes yeux, j'aime ton front,
Ô ma rebelle, ô ma farouche,
J'aime tex yeux, j'aime ta bouche
Où mes baisers s'épuiseront.
J'aime ta voix, j'aime l'étrange
Grâce de tout ce que tu dis,
Ô ma rebelle, ô mon cher ange,
Mon enfer et mon paradis!
J'aime tout ce qui te fait belle,
De tes pieds jusqu'à tes cheveux,
Ô toi vres qui montent mes voeux,
Ô ma farouche, ô ma rebelle!
Op.27 no.2 "La fée aux chansons"
Text by Armand Silvestre (1837-1901)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 27 no. 2 (1882),
first published 1883,
dedicated to Mme. Edmond Fuchs
Il était une Fée
D'herbe folle coiffée,
Qui courait les buissons
Sans s'y laisser surprendre
En Avril, pour apprendre
Aux oiseaux leurs chansons.
Lorsque geais et linottes
Faisaient des fausses notes
En récitant leurs chants
La Fée, avec constance,
Gourmandait d'importance
Ces élèves méchants.
Sa petite main nue,
D'un brin d'herbe menue
Cueilli dans les halliers,
Pour stimuler leurs zèles,
Fouettait sur leurs ailes
Ces mauvais écoliers.
Par un matin d'automne,
Elle vient et s'étonne,
De voir les bois déserts:
Avec les hirondelles
Ses amis infidèles
Avaient foi dans les airs.
Et tout l'hiver la Fée,
D'herbe morte coiffée,
Et comptant les instants
Sous les forêts immenses,
Compose des romances
Pour le prochain Printemps!
Op.39 no.1 "Aurore"
Text by Armand Silvestre (1837-1901)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 39 no. 1 (1884),
first published 1885,
dedicated to Mme. H. Roger-Jourdain
Des jardins de la nuit s'envolent les étoiles,
Abeilles d'or qu'attire un invisible miel;
Et l'aube, au loin, tendant la candeur de ses toiles,
Trame de fils d'argent le manteau bleu du ciel.
Du jardin de mon coeur qu'un rêve lent enivre,
S'envolent mes désirs sur les pas du matin,
Comme un essaim léger qu'à l'horizon de cuivre,
Appelle un chant plaintif, éternel et lointain.
Ils volent à tes pieds, astres chassés des nues,
Exilés du ciel d'or où fleurit ta beauté
Et, cherchant jusqu'à toi des routes inconnues,
Mêlent au jour naissant leur mourante clarté.
Op.39 no.2 "Fleur Jetée"
Text by Armand Silvestre (1837-1901)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 39 no. 2 (1884),
first published 1885,
dedicated to Mme. Jules Gouin
Emporte ma folie
Au gré du vent,
Fleur en chantant cueillie
Et jetée en rêvant,
Emporte ma folie
Au gré du vent:
Comme la fleur fauchée
Périt l'amour;
La main qui t'a touchée
Fuit ma main sans retour.
Comme la fleur fauchée
Périt l'amour.
Que le vent qui te sèche
Ô pauvre fleur,
Tout à l'heure si fraîche
Et demain sans couleur;
Que le vent qui te sèche,
Sèche mon coeur!
Op.39 no.3 "Le pays des rêves"
Text by Armand Silvestre (1837-1901)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 39 no. 3 (1884),
first published 1885,
dedicated to Thérèse Guyon
Veux-tu qu'au beau pays des rêves
Nous allions la main dans la main?
Plus loin que l'odeur des jasmins,
Plus haut que la plainte des grèes.
Veux-tu du beau pays des rêves
Tous les deux chercher le chemin?
J'ai taillé dans l'azur les toiles
Du vaisseau qui nous portera,
Et doucement nous conduira
Jusqu'au vreger d'or des étoiles.
J'ai taillé dans l'azur les toiles
Du vaisseau qui nous conduira.
Mais combien la terre est lointaine,
Que poursuivent ses blancs sillons,
Au caprice des papillons
Demandons la route incertaine.
Ah, combien la terre est lointaine
Où fleurissent nos visions!
Vois-tu: le beau pays des rêves
Est trop haut pour les pas humains.
Respirons à deux les jasmins,
Et chantons encor sur les grèves
Vois-tu: du beau pays des rêves
L'amour seul en sait les chemins.
Op.39 no.4 "Les roses d'Ispahan"
Text by Charles-Marie-René Leconte de Lisle (1818-1894)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 39 no. 4 (1884),
first published 1885,
dedicated to Louise Collinet
Les roses d'Ispahan dans leur gaîne de mousse,
Le jasmins de Mossoul, les fleurs de l'oranger,
Ont un parfum moins frais, ont une odeur moins douce,
Ô blanche Leïlah! que ton souffle léger.
Ta lèvre est de corail et ton rire léger
Sonne mieux que l'eau vive et d'une voix plus douce.
Mieux que le vent joyeux qui berce l'oranger,
Mieux que l'oiseau qui chante au bord d'un nid de mousse,
Ô Leïlah! depuis que de leur vol léger
Tous les baisers ont fui de ta lèvre si douce
Il n'est plus de parfum dans le pâle oranger,
Ni de céleste aromeaux roses dans leur mousse.
Oh! que ton jeune amour ce papillon léger
Revienne vers mon coeur d'une aile prompte et douce.
Et qu'il parfume encor la fleur de l'oranger,
Les roses d'Ispahan dans leur gaîne de mousse.
Op.43 no.1 "Noël"
Text by Victor Wilder
Music by Gabriel Fauré,
Op. 43 no. 1 (1886),
first published 1886,
dedicated to A. Talazac
La nuit descend du haut des cieux,
Le givre au toit suspend ses franges.
Et, dans les airs, le vol des anges
Éveille un bruit mystérieux.
L'étoile qui guidait les mages,
S'arrête enfin dans les nuages,
Et fait briller un nimbe d'or
Sur la chaumiére où Jésus dort.
Alors, ouvrant ses yeux divins,
L'enfant couché, dans l'humble crèche,
De son berceau de paille fraîche,
Sourit aux nobles pélérins.
Eux, s'inclinant, lui disent: Sire,
Reçois l'encens, l'or et la myrrhe,
Et laisse-nous, ô doux Jésus,
Baiser le bout de tes pieds nus.
Comme eux, ô peuple, incline-toi,
Imite leur pieux exemple,
Car cette étable, c'est un temple,
Et cet enfant sera ton roi!
Op.43 no.2 "Nocturne"
Text by Auguste, Comte de Villiers de l'Isle-Adam (1838-1889)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 43 no. 2 (1886),
first published 1886,
dedicated to Mme. H. Roger-Jourdain
La nuit, sur le grand mystère,
Entr'ouvre ses écrins bleus:
Autant de fleurs sur la terre,
Que d'étoiles dans les cieux!
On voit ses ombres dormantes
S'éclairer à tous moments,
Autant par les fleurs charmantes
Que par les astres charmants.
Moi, ma nuit au sombre voile
N'a, pour charme et pour clarté,
Qu'une fleur et qu'une étoile
Mon amour et ta beauté!
Texto en Francés, de los Lieder Op. 46 a Op. 118
Op.46 no.1 "Les présents"
Text by Auguste, Comte de Villiers de l'Isle-Adam (1838-1889)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 46 no. 1 (1887),
first published 1888,
dedicated to Count Robert de Montesquiou Fezensac
Si tu demandes quelque soir
Le secret de mon coeur malade,
Je te dirai pour t'émouvoir,
Une très ancienne ballade!
Si tu me parles de tourments,
D'espérance désabusée,
J'irai te cueillir seulement
Des roses pleines de rosée!
Si pareille à la fleur des morts,
Qui fleurit dans l'exil des tombes,
Tu veux partager mes remords.
Je t'apporterai des colombes!
Op.46 no.2 "Clair de Lune"
Text by Paul Verlaine (1844-1896)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 46 no. 2 (1887),
first published 1888,
dedicated to Emmanuel Jadin
Votre âme est un paysage choisi
Que vont charmants masques et bergamasques,
Jouant du luth et dansant, et quasi
Tristes sous leurs déguisements fantasques,
Tout en chantant sur le mode mineur
L'amour vainqueur et la vie opportune.
Ils n'ont pas l'air de croire à leur bonheur,
Et leur chanson se mêle au clair de lune,
Au calme clair de lune triste et beau,
Qui fait rêver, les oiseaux dans les arbres,
Et sangloter d'extase les jets d'eau,
Les grands jets d'eau sveltes parmi les marbres.
Op.51 no.1 "Larmes"
Text by Jean Richepin (1849-1926)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 51 no. 1 (1888),
first published 1888,
dedicated to Princess Edmond de Polignac
Pleurons nos chagrins, chacun le nôtre,
Une larme tombe, puis une autre,
Toi, qui pleures-tu? ton doux pays,
Tes parents loin tains, ta fiancée.
Moi, mon existence dépensée
En voeux trahis!
Pleurons nos chagrins, chacun le nôtre,
Une larme tombe, puis une autre,
Semons dans le mer ces pâles fleurs
A notre sanglot qui se lamente
Elle répondra par la tourmente
Des flots hurleurs.
Pleurons nos chagrins, chacun le nôtre,
Une larme tombe, puis une autre,
Peut-être toi-même, ô triste mer,
Mer au goût de larme âcre et salée,
Es-tu de la terre inconsolée
Le pleur amer!
Op.51 no.2 "Au cimetière"
Text by Jean Richepin (1849-1926)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 51 no. 2 (1888),
first published 1888,
dedicated to Mme. Maurice Sulzbach
Heureux qui meurt ici,
Ainsi que les oiseaux des champs!
Son corps, près des amis,
Est mis dans l'herbe et dans les chants.
Il dort d'un bon sommeil vermeil,
Sous le ciel radieux.
Tous ceux qu'il a connus, venus,
Lui font de longs adieux.
À sa croix les parents pleurants,
Restent a genouillés,
Et ses os, sous les fleurs, de pleurs
Sont doucement mouillés
hacun sur le bois noir,
Peut voir s'il était jeune ou non,
Et peut, avec de vrais regrets.
L'appeler par son nom,
Combien plus malchanceux sont ceux qui meurent à la mé,
Et sous le flot profond
S'en vont loin du pays aimé!
Ah! pauvres! qui pour seul linceuls
Ont les goëmons verts,
Où l'on roule inconnu, tout nu,
Et les yeux grands ouverts!
Op. 51 no.2 "Spleen"
Text by Paul Verlaine (1844-1896)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 51 no. 3 (1888),
first published 1888,
dedicated to Mme. Henri Cochin
Il pleure dans mon coeur
Comme il pleut sur la ville.
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon coeur?
O bruit doux de la pluie,
Par terre et sur les toits!
Pour un coeur qui s'ennuie,
O le chant de la pluie!
Il pleure sans raison
Dans mon coeur qui s'écoeure.
Quoi! nulle trahison?
Mon deuil est sans raison.
C'est bien la pire peine,
De ne savoir pourquoi,
Sans amour et sans haine,
Mon coeur a tant de peine.
Op.51 no.4 "La rose", Ode anacréontique
Text by Charles-Marie-René Leconte de Lisle (1818-1894),
Music by Gabriel Fauré,
Op. 51 no. 4 (1890),
first published 1890,
dedicated to Maurice Bagès
Je dirai la Rose aux plis gracieux.
La Rosé est le souffle embaumé des Dieux,
Le plus cher souci des Muses divines!
Je dirai ta gloire, ô charme des yeux,
Ô fleur de Kypris, reine des collines!
Tu t'épanouis entre les beaux doigts
De l'Aube écartant les ombres moroses;
L'air bleu devient rose et rose les bois;
La bouche et le sein des vierges sont roses!
Heureuse la vierge aux bras arrondis
Qui dans les halliers humides te cueille!
Heureux le front jeune où tu resplendis!
Heureus la coupe où nage ta feuille!
Ruisselante encor du flot paternel,
Quand de la mer bleue Aphrodite éclose
Etincela nue aux clartés du ciel,
La terre jalouse enfanta la rose;
Et l'Olympe entier, d'amour transporté,
Salua la fleur avec la Beauté!
Op.57 no.1 "Chanson"
Text by Edmond Haraucourt (1856-1896)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 57 no. 1 (1889),
first published 1889,
from the incidental music to the play Shylock
Oh! les filles! Venez, les filles aux voix douces!
C'est l'heure d'oublier l'orgueil et les vertus,
Et nous regarderons éclore dans le mousses,
La fleur des baisers défendus.
Les baisers défendus c'est Dieu qui les ordonne
Oh! les filles! Il fait le printemps pour les nids,
Il fait votre beauté pour qu'elle nous soit bonne,
Nos désirs pour qu'ils soient unis.
Oh! filles! Hors l'amour rien n'est bon sur la terre,
Et depuis les soirs d'or jusqu'aux matin rosés
Les morts ne sont jaloux, dans leur paix solitaire,
Que du murmure des baisers!
Op.57 no.2 "Madrigal"
Text by Edmond Haraucourt (1856-1896)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 57 no. 2 (1889),
first published 1889,
from the incidental music to the play Shylock
Celle que j'aime a de beauté
Plus que Flore et plus que Pomone,
Et je sais pour l'avoir chanté
Que sa bouche est le soir d'automne,
Et son regard la nuit d'été.
Pour marraine elle eut Astarté,
Pour patronne elle a la madone
Car elle est belle autant que bonne
Celle que j'aime!
Elle écoute, rit, et pardonne,
N'écoutant que par charité:
Elle écoute mais sa fierté
N'écoute, ni moi ni personne
Et rien encore n'a tenté
Celle que j'aime!
Op.58 "Cinq mélodies "De Venise" "
Texts by Paul Verlaine (1844-1896)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 58 (1891),
first published 1891,
dedicated to Princesse Edmond de Polignac
1.Mandoline
2.En sourdine
3.Green
4.À Clymène
5.C'est l'extase
1. Mandoline
Les donneurs de sérénades
Et les belles écouteuses
Echangent des propos fades
Sous les ramures chanteuses.
C'est Tircis et c'est Aminte,
Et c'est l'éternel Clitandre,
Et c'est Damis qui pour mainte
Cruelle fait maint vers tendre.
Leurs courtes vestes de soie,
Leurs longues robes à queue,
Leur élégance, leur joie
Et leurs molles ombres bleues,
Tourbillonent dans l'extase
D'une lune rose et grise,
Et la mandoline jase
Parmi les frissons de brise.
2. En sourdine
Calmes dans le demi-jour
Que les branches hautes font,
Pénétrons bien notre amour
De ce silence profond.
Mêlons nos âmes, nos coeurs
Et nos sens extasiés,
Parmi les vagues langueurs
Des pins et des arbousiers.
Ferme tes yeux à demi,
Croise tes bras sur ton sein,
Et de ton coeur endormi
Chasse à jamais tout dessein.
Laissons-nous persuader
Au souffle berceur et doux
Qui vient, à tes pieds, rider
Les ondes des gazons roux.
Et quand, solennel, le soir
Des chênes noirs tombera
Voix de notre désespoir,
Le rossignol chantera.
3. Green
Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches
Et puis voici mon coeur qui ne bat que pour vous.
Ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches
Et qu'à vos yeux si beaux l'humble présent soit doux.
J'arrive tout couvert encore de rosée
Que le vent du matin vient glacer à mon front.
Souffrez que ma fatigue à vos pieds reposée
Rêve des chers instants qui la délasseront.
Sur votre jeune sein laissez rouler ma tête
Toute sonore encor de vos derniers baisers ;
Laissez-la s'apaiser de la bonne tempête,
Et que je dorme un peu puisque vous reposez.
4. À Clymène
Mystiques barcarolles,
Romances sans paroles,
Chère, puisque tes yeux,
Couleur des cieux,
Puisque ta voix, étrange
Vision qui dérange
Et trouble l'horizon
De ma raison,
Puisque l'arôme insigne
De ta pâleur de cygne,
Et puisque la candeur
De ton odeur,
Ah! puisque tout ton être,
Musique qui pénètre,
Nimbes d'anges défunts,
Tons et parfums,
Asur d'almes cadences,
En ces correspondances
Induit mon coeur subtil,
Ainsi soit-il !
5. C'est l'extase
C'est l'extase langoureuse,
C'est la fatigue amoureuse,
C'est tous les frissons des bois
Parmi l'étreinte des brises,
C'est vers les ramures grises
Le choeur des petites voix.
O le frêle et frais murmure !
Cela gazouille et susurre,
Cela ressemble au cri doux
Que l'herbe agitée expire...
Tu dirais, sous l'eau qui vire,
Le roulis sourd des cailloux.
Cette âme qui se lamente
En cette plainte dormante
C'est la nôtre, n'est-ce pas ?
La mienne, dis, et la tienne,
Dont s'exhale l'humble antienne
Par ce tiède soir, tout bas ?
Op.61 "La bonne chanson"
Texts by Paul Verlaine (1844-1896)
Music by Gabriel Fauré,
Op.61,
À Mme Sigismond Bardac
1. Une Sainte en son auréole
2. Puisque l'aube grandit
3. La lune blanche
4. J'allais par les chemins perfides
5. J'ai presque peur, en vérité
6. Avant que tu ne t'en ailles
7. Donc, ce sera par un clair jour d'été
8. N'est-ce pas?
9. L'hiver a cessé
1. Une Sainte en son auréole
Une Sainte en son auréole
Une Châtelaine en sa tour,
Tout ce que contient la parole
Humaine de grâce et d'amour.
La note d'or que fait entendre
Un cor dans le lointain des bois,
Mariée à la fierté tendre
Des nobles Dames d'autrefois ;
Avec cela le charme insigne
D'un frais sourire triomphant
Eclos de candeurs de cygne
Et des rougeurs de femme-enfant ;
Des aspects nacrés, blancs et roses,
Un doux accord patricien :
Je vois, j'entends toutes ces choses
Dans son nom Carlovingien
2. Puisque l'aube grandit
Puisque l'aube grandit, puisque voici l'aurore,
Puisque, après m'avoir fui longtemps, l'espoir veut bien
Revoler devers moi qui l'appelle et l'implore,
Puisque tout ce bonheur veut bien être le mien,
Je veux, guidé par vous, beaux yeux aux flammes douces,
Par toi conduit, ô main où tremblera ma main,
Marcher droit, que ce soit par des sentiers de mousses
Ou que rocs et cailloux encombrent le chemin ;
Et comme, pour bercer les lenteurs de la route,
Je chanterai des airs ingénus, je me dis
Qu'elle m'écoutera sans déplaisir sans doute ;
Et vraiment je ne veux pas d'autre Paradis.
3. La lune blanche
La lune blanche
Luit dans les bois ;
De chaque branche
Part une voix
Sous la ramée...
O bien aimée.
L'étang reflète,
Profond miroir,
La silhouette
Du saule noir
Où le vent pleure...
Rêvons c'est l'heure,
Un vaste et tendre
Apaisement
Semble descendre
Du firmament
Que l'astre irise...
C'est l'heure exquise.
4. J'allais par les chemins perfides
J'allais par les chemins perfides
Douloureusement incertain
Vos chères mains furent mes guides.
Si pâle à l'horizon lointain
Luisait un faible espoir d'aurore ;
Votre regard fut le matin.
Nul bruit, sinon son pas sonore,
N'encourageait le voyageur.
Votre voix me dit : ``Marche encore !''
Mon coeur craintif, mon sombre coeur
Pleurait, seul, sur la triste voie ;
L'amour, délicieux vainqueur,
Nous a réunis dans la joie.
5. J'ai presque peur, en vérité
J'ai presque peur, en vérité
Tant je sens ma vie enlacée
A la radieuse pensée
Qui m'a pris l'âme l'autre été,
Tant votre image, à jamais chère,
Habite en ce coeur uniquement jaloux
De vous aimer et de vous plaire ;
Et je tremble, pardonnez-moi
D'aussi franchement vous le dire,
A penser qu'un mot, un sourire
De vous est désormais ma loi,
Et qu'il vous suffirait d'un geste,
D'une parole ou d'un clin d'oeil,
Pour mettre tout mon être en deuil
De son illusion céleste.
Mais plutôt je ne veux vous voir,
L'avenir dût-il m'être sombre
Et fécond en peines sans nombre,
Qu'à travers un immense espoir,
Plongé dans ce bonheur suprême
De me dire encore et toujours,
En dépit des mornes retours,
Que je vous aime, que je t'aime !
6. Avant que tu ne t'en ailles
Avant que tu ne t'en ailles,
Pâle étoile du matin
"Mille cailles
Chantent dans le thym."
Tourne devers le poète
Dont les yeux sont pleins d'amour;
"L'alouette
Monte au ciel avec le jour."
Tourne ton regard que noie
L'aurore dans son azur ;
"Quelle joie
Parmi les champs de blé mûrs."
Puis fais luire ma pensée
Là-bas,--bien loin oh, bien loin !
"La rosée
Gaîment brille sur le foin."
Dans le doux rêve où s'agite
Ma vie endormie encor...
"Vite, vite,
Car voici le soleil d'or."
7. Donc, ce sera par un clair jour d'été
Donc, ce sera par un clair jour d'été
Le grand soleil, complice de ma joie,
Fera, parmi le satin et la soie,
Plus belle encor votre chère beauté ;
Le ciel tout bleu, comme une haute tente,
Frissonnera sompteux à longs plis
Sur nos deux fronts heureux qu'auront pâlis
L'émotion du bonheur et l'attente ;
Et quand le soir viendra, l'air sera doux
Qui se jouera, caressant, dans vos voiles,
Et les regards paisibles des étoiles
Bienveillamment souriront aux époux.
8. N'est-ce pas?
N'est-ce pas? nous irons gais et lents, dans la voie
Modeste que nous montre en souriant l'Espoir,
Peu soucieux qu'on nous ignore ou qu'on nous voie.
Isolés dans l'amour ainsi qu'en un bois noir,
Nos deux coeurs, exhalant leur tendresse paisible,
Seront deux rossignols qui chantent dans le soir.
Sans nous préoccuper de ce que nous destine
Le Sort, nous marcherons pourtant du même pas,
Et la main dans la main, avec l'âme enfantine.
De ceux qui s'aiment sans mélange, n'est-ce pas?
9. L'hiver a cessé
L'hiver a cessé : la lumière est tiède
Et danse, du sol au firmament clair.
Il faut que le coeur le plus triste cède
A l'immense joie éparse dans l'air.
J'ai depuis un an le printemps dans l'âme
Et le vert retour du doux floréal,
Ainsi qu'une flamme entoure une flamme,
Met de l'idéal sur mon idéal.
Le ciel bleu prolonge, exhausse et couronne
L'immuable azur où rit mon amour
La saison est belle et ma part est bonne
Et tous mes espoirs ont enfin leur tour.
Que vienne l'été ! que viennent encore
L'automne et l'hiver ! Et chaque saison
Me sera charmante, ô Toi que décore
Cette fantaisie et cette raison !
Op.76 no.1 "Le parfum impérissable"
Text by Charles-Marie-René Leconte de Lisle (1818-1894)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 76 no. 1 (1897),
first published 1897,
dedicated to Paolo Tosti
Quand la fleur du soleil, la rose de Lahor,
De son âme odorante a rempli goutte à goutte,
La fiole d'argile ou de cristal ou d'or,
Sur le sable qui brûle on peut l'épandre toute.
Les fleuves et la mer inonderaient en vain
Ce sanctuaire étroit qui la tint enfermée,
Il garde en se brisant son arôme divin
Et sa poussière heureuse en reste parfumée.
Puisque par la blessure ouverte de mon coeur
Tu t'écoules de même, ô céleste liqueur,
Inexprimable amour qui m'enflammais pour elle!
Qu'il lui soit pardonné que mon mal soit béni!
Par de là l'heure humaine et le temps infini
Mon coeur est embaumé d'une odeur immortelle!
Op. 76 no.2 "Arpège"
Text by Albert Victor Samain (1858-1900)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 76 no. 2 (1897),
first published 1897,
dedicated to Mme. Charles Dettelbach
L'âme d'une flûte soupire
Au ford du parc mélodieux;
Limpide est l'ombre où l'on respire
Ton poème silencieux,
Nuit de langueur, nuit de mensonge,
Qui poses, d'un geste ondoyant,
Dans ta chevelure de songe
La lane, bijou d'Orient.
Sylva, Sylvie et Sylvanire,
Belles au regard bleu changeant,
L'étoile aux fontaines se mire.
Allez par les sentiers d'argent,
Allez vite, l'heure est si brève,
Cueillir au jardin des aveux,
Les coeurs qui se meurent du rêve
De mourir parmi vos cheveux!
Op. 83 no.1 "Le ciel est, par-dessus le toit si bleu, si calme"
Text by Paul Verlaine (1844-1896)
Music by Gabriel Fauré,
"Prison", Op. 83 no. 1 (1894),
first published 1896
Le ciel est, par-dessus le toit,
Si bleu, si calme,
Un arbre, par-dessus le toit,
Berce sa palme.
La cloche, dans le ciel qu'on voit,
Doucement tinte,
Un oiseau, sur l'arbre qu'on voit,
Chante sa plainte.
Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là,
Simple et tranquille!
Cette paisible rumeur-là
Vient de la ville.
Qu'as-tu fait, ô toi que voilà,
Pleurant sans cesse,
Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà,
De ta jeunesse?
Op. 83 no.2 "Soir"
Text by Albert Victor Samain (1858-1900)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 83 no. 2 (1894),
first published 1896
Voici que les jardins de la nuit vont fleurir.
Les lignes, les couleurs, les sons deviennent vagues;
Vois! le dernier rayon agonise à tes bagues,
Ma soeur, entends-tu pas quelque chose mourir?
Mets sur mon front tes mains fraîches comme une eau pure,
Mets sur mes yeux tes mains douces comme des fleurs,
Et que mon âme où vit le goût secret des pleurs.
Soit comme un lys fidèle et pâle à ta ceinture!
C'est la pitié qui pose ainsi son doigt sur nous,
Et tout ce que la terre a de soupirs qui montent,
Il semble, qu'à mon coeur enivré, le racontent
Tes yeux levés au ciel, si tristes et si doux!
Op.85 no.1 "Dans la forêt de Septembre"
Text by Catulle Mendès (1841-1909)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 85 no. 1 (1902),
first published 1902,
dedicated to Lydia Eustis
Ramure aux rumeurs amollies,
Troncs sonores que l'âge creuse,
L'antique forêt douloureuse
S'accorde à nos mélancolies.
Ô sapins agriffés au gouffre,
Nids déserts aux branches brisées,
Halliers brûlés, fleurs sans rosées,
Vous savez bien comme l'on souffre!
Et lorsque l'homme, passant blême,
Pleure dans le bois solitaire,
Des plaintes d'ombre et de mystère
L'accueillent en pleurant de même.
Bonne forêt! promesse ouverte
De l'exil que la vie implore,
Je viens d'un pas alerte encore
Dans ta profondeur encor verte.
Mais d'un fin bouleau de la sente,
Une feuille, un peu rousse, frôle
Ma tête et tremble à mon épaule;
C'est que la forêt vieillissante,
Sachante l'hiver, où tout avorte,
Déjà proche en moi comme en elle,
Me fait l'aumône fraternelle
De sa première feuille morte!
Op.85 no.2 "La fleur qui va sur l'eau"
Text by Catulle Mendès (1841-1909)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 85 no. 2 (1902),
first published 1902,
dedicated to Pauline Segond
Sur la mer voilée
D'un brouillard amer
La Belle est allée,
La nuit, sur la mer!
Elle avait aux lèvres
D'un air irrité,
La Rose des Fièvres,
La Rose Beauté!
D'un souffle farouche
L'ouragan hurleur
Lui baisa la bouche
Et lui prit la fleur!
Dans l'océan sombre,
Moins sombre déjà,
Où le trois mâts sombre,
La fleur surnagea
L'eau s'en est jouée,
Dans ses noirs sillons;
C'est une bouée
Pour les papillons
Et l'embrun, la Houle
Depuis cette nuit,
Les brisants où croule
Un sauvage bruit,
L'alcyon, la voile,
L'hirondelle autour;
Et l'ombre et l'étoile
Se meurent d'amour,
Et l'aurore éclose
Sur le gouffre clair
Pour la seule rose
De toute la mer!
Op.85 no.3 "Accompagnement"
Text by Albert Victor Samain (1858-1900)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 85 no. 3 (1902),
first published 1903,
dedicated to Mme. Edouard Risler
Tremble argenté, tilleul, bouleau...
La lune s'effeuille sur l'eau...
Comme de longs cheveux peignés au vent du soir,
L'odeur des nuits d'été parfume le lac noir;
Le grand lac parfumé brille comme un miroir.
Ma rame tombe et se relève;
Ma barque glisse dans le rêve,
Ma barque glisse dans le ciel,
Sur le lac immatériel!
En cadence les yeux fermés,
Rame, ô mon coeur, ton indolence
A larges coups lents et pâmés.
Là-bas la lune écoute, accoudée au côteau,
Le silence qu'exhale en glissant le bateau.
Trois grands lys frais coupés meurent sur mon manteau...
Vers tes lèvres, ô nuit voluptueuse et pâle,
Est-ce leur âme, est-ce mon âme qui s'exhale?
Cheveux des nuits d'argent peignés aux longs roseaux...
Comme la lune sur les eaux,
Comme la rame sur les flots
Mon âme s'effeuille en sanglots.
Op.87 no.1 "Le plus doux chemin"
Text by Armand Silvestre (1837-1901)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 87 no. 1 (1904),
first published 1907,
dedicated to Mme. Edouard Risler
A mes pas le plus doux chemin
Mène à la porte de ma belle,
Et, bien qu'elle me soit rebelle,
J'y veux encor passer demain.
Il est tout fleuri de jasmin
Au temps de la saison nouvelle,
Et, bien qu'elle me soit cruelle
J'y passe, des fleurs à la main.
Pour toucher son coeur inhumain
Je chante ma peine cruelle,
Et, bien qu'elle me soit rebelle,
C'est pour moi le plus doux chemin.
Op.87 no.2 "Le ramier"
Text by Armand Silvestre (1837-1901)
Music by Gabriel Fauré,
Op. 87 no. 2 (1904),
first published 1904,
dedicated to Claudie Segond
Avec son chant doux et plaintif,
Ce ramier blanc te fait envie:
S'il te plait l'avoir pour captif,
J'irai te le chercher, Sylvie.
Mais là près de toi dans mon sein,
Comme ce ramier mon coeur chante,
S'il t'en plait faire le larcin,
Il sera mieux à toi, méchante.
Pour qu'il soit tel qu'un ramier blanc,
Le prisonnier que tu recèles,
Sur mon coeur, oiselet tremblant,
Pose tes mains comme deux ailes.
Op.106 "Le jardin clos"
Texts by Charles van Lerberghe (1861-1907)
Music by Gabriel Fauré, Op.106
1.Exaucement
2.Quand tu plonges tes yeux dans mes yeux
3.La messagère
4.Je me poserai sur ton coeur
5.Dans la Nymphée
6.Dans la pénombre
7.Il m'est cher, Amour, le bandeau
8.Inscription sur le sable
1. Exaucement (À Mme Albert Mockel)
Alors qu'en tes mains de lumière
Tu poses ton front défaillant,
Que mon amour en ta prière
Vienne comme un exaucement.
Alors que la parole expire
Sur ta lèvre qui tremble encor,
Et s'adoucit en un sourire
De roses en des rayons d'or ;
Que ton âme calme et muette,
Fée endormie au jardin clos,
En sa douce volonté faite
Trouve la joie et le repos.
2. Quand tu plonges tes yeux dans mes yeux
(À Mme Germaine Sanderson)
Quand tu plonges tes yeux dans mes yeux,
Je suis toute dans mes yeux.
Quand ta bouche dénoue ma bouche,
Mon amour n'est que ma bouche.
Quand tu frôles mes cheveux,
Je n'existe plus qu'en eux.
Quand ta main effleure mes seins,
J'y monte comme un feu soudain.
Est-ce moi que tu as choisie ?
Là est mon âme, là est ma vie.
3. La messagère (À Mme Gabrielle Gills)
Avril, et c'est le point du jour.
Tes blondes soeurs qui te ressemblent,
En ce moment, toutes ensembles
S'avancent vers toi, cher Amour.
Tu te tiens dans un clos ombreux
De myrte et d'aubépine blanche ;
La porte s'ouvre entre les branches ;
Le chemin est mystérieux.
Elles, lentes, en longues robes,
Une à une, main dans la main,
Franchissent le seuil indistinct
Où de la nuit devient de l'aube.
Celle qui s'approche d'abord,
Regarde l'ombre, te découvre,
Crie, et la fleur de ses yeux s'ouvre
Splendide dans un rire d'or.
Et, jusqu'à la dernière soeur
Toutes tremblent, tes lèvres touchent
Leurs lèvres, l'éclair de ta bouche
Eclate jusque dans leur coeur.
4. Je me poserai sur ton coeur (À Mme Louis Vuillemin)
Je me poserai sur ton coeur
Comme le printemps sur la mer,
Sur les plaines de la mer stérile
Où nulle fleur ne peut croître,
A ses souffles agiles,
Que des fleurs de lumière.
Je me poserai sur ton coeur
Comme l'oiseau sur la mer,
Dans le repos de ses ailes lasses,
Et que berce le rythme éternel
Des flots et de l'espace.
Je me poserai sur ton coeur
Comme le printemps sur la mer.
5. Dans la Nymphée (À Mme Croiza)
Quoique tes yeux ne la voient pas,
Sache, en ton âme, qu'elle est là,
Comme autrefois divine et blanche.
Sur ce bord reposent ses mains.
Sa tête est entre ces jasmins ;
Là, ses pieds effleurent les branches.
Elle sommeille en ces rameaux.
Ses lèvres et ses yeux sont clos,
Et sa bouche à peine respire.
Parfois, la nuit, dans un éclair
Elle apparaît les yeux ouverts,
Et l'éclair dans ses yeux se mire.
Un bref éblouissement bleu
La découvre en ses longs cheveux ;
Elle s'éveille, elle se lève.
Et tout un jardin ébloui
S'illumine au fond de la nuit,
Dans le rapide éclair d'un rêve.
6. Dans la pénombre (À Mme Houben-Kufferath)
A quoi, dans ce matin d'avril,
Si douce et d'ombre enveloppée,
La chère enfant au coeur subtil
Est-elle ainsi tout occupée ?
Pensivement, d'un geste lent,
En longue robe, en robe a queue,
Sur le soleil au rouet blanc
A filer la laine bleue
A sourire à son rêve encor,
Avec ses yeux de fiancée,
A tresser des feuillages d'or
Parmi les lys de sa pensée.
7. Il m'est cher, Amour, le bandeau (À Mme Faliero-Dalcroze)
Il m'est cher, Amour, le bandeau
Qui me tient les paupières closes ;
Il pèse comme un doux fardeau
De soleil sur de faibles roses.
Si j'avance, l'étrange chose !
Je parais marcher sur les eaux ;
Mes pieds trop lourds où je les pose,
S'enfoncent comme en des anneaux.
Qui donc a délié dans l'ombre
Le faix d'or de mes longs cheveux ?
Toute ceinte d'étreintes sombres,
Je plonge en des vagues de feu.
Mes lèvres où mon âme chante,
Toute d'extase et de baiser,
S'ouvrent comme une fleur ardente
Au-dessus d'un fleuve embrasé.
8. Inscription sur le sable (À Mme Durand-Texte)
Toute, avec ta robe et ses fleurs,
Elle, ici, redevint poussière,
Et son âme emportée ailleurs
Renaquit en chant de lumière.
Mais un léger lien fragile
Dans la mort brisé doucement,
Encerclait ses tempes débiles
D'impérissables diamants.
En signe d'elle, à cette place,
Seules, parmi le sable blond,
Les pierres éternelles tracent
Encor l'image de son front.
Op.113 "Mirages"
Texts by Mme la Baronne Renée de Brimont
Music by Gabriel Fauré,
Op.113, À Mme Gabriel Hanotaux
1. Cygne sur l'eau
2. Reflets dans l'eau
3. Jardin nocturne
4. Danseuse
1. Cygne sur l'eau
Ma pensée est un cygne harmonieux et sage
Qui glisse lentement aux rivages d'ennui
Sur les ondes sans fond du rêve, du mirage,
De l'écho, du brouillard, de l'ombre, de la nuit.
Il glisse, roi hautain fendant un libre espace,
Poursuit un reflet vain, précieux et changeant,
Et les roseaux nombreux s'inclinent lorsqu'il passe,
Sombre et muet, au seuil d'une lune d'argent;
Et des blancs nénuphars chaque corolle ronde
Tour à tour a fleuri de désir ou d'espoir...
Mais plus avant toujours, sur la brume et sur l'onde,
Vers l'inconnue fuyant glisse le cygne noir.
Or j'ai dit: "Renoncez, beau cygne chimérique,
A ce voyage lent vers de troubles destins;
Nul miracle chinois, nulle étrange Amérique
Ne vous accueilleront en des havres certains;
Les golfes embaumés, les îles immortelles
Ont pour vous, cygne noir, des récifs périlleux;
Demeurez sur les lacs où se mirent, fidèles,
Ces nuages, ces fleurs, ces astres et ces yeux."
2. Reflets dans l'eau
Etendue au seuil du bassin,
Dans l'eau plus froide que le sein
Des vierges sages,
J'ai reflété mon vague ennui,
Mes yeux profonds couleur de nuit
Et mon visage.
Et dans ce miroir incertain
J'ai vu de merveilleux matins...
J'ai vu des choses
Pâles comme des souvenirs,
Dans l'eau que ne saurait ternir
Nul vent morose.
Alors - au fond du Passé bleu -
Mon corps mince n'était qu'un peu
D'ombre mouvante;
Sous les lauriers et les cyprès
J'aime la brise au souffle frais
Qui nous évente...
J'aimais vos caresses de soeur,
Vos nuances, votre douceur,
Aube opportune;
Et votre pas souple et rythmé,
Nymphes au rire parfumé,
Au teint de lune;
Et le galop des aegypans,
Et la fontaine qui s'épand
En larmes fades...
Par les bois secrets et divins
J'écoutais frissonner sans fin
L'hamadryade,
Ô cher Passé mystérieux
Qui vous reflétez dans mes yeux
Comme un nuage,
Il me serait plaisant et doux,
Passé, d'essayer avec vous
Le long voyage !...
Si je glisse, les eaux feront
Un rond fluide... un autre rond...
Un autre à peine...
Et puis le miroir enchanté
Reprendra sa limpidité
Froide et sereine.
3. Jardin nocturne
Nocturne jardin tout empli de silence,
Voici que la lune ouverte se balance
En des voiles d'or fluides et légers ;
Elle semble proche et cependant lointaine...
Son visage rit au coeur de la fontaine
Et l'ombre pâlit sous les noirs orangers.
Nul bruit, si ce n'est le faible bruit de l'onde
Fuyant goutte à goutte au bord des vasques rondes,
Ou le bleu frisson d'une brise d'été,
Furtive parmi des palmes invisibles...
Je sais, ô jardins, vos caresses sensibles
Et votre languide et chaude volupté !
Je sais votre paix délectable et morose,
Vos parfums d'iris, de jasmins et de roses,
Vos charmes troublés de désirs et d'ennui...
Ô jardin muet ! -- L'eau des vasques s'égoutte
Avec un bruit faible et magique... J'écoute
Ce baiser qui chante aux lèvres de la Nuit.
4. Danseuse
Soeur des Soeurs tisseuses de violettes,
Une ardente veille blémit tes joues...
Danse ! Et que les rythmes aigus dénouent
Tes bandelettes.
Vaste svelte, fresque mouvante et souple,
Danse, danse, paumes vers nous tendues,
Pieds étroits fuyant, tels des ailes nues
Qu'Eros découple...
Sois la fleur multiple un peu balancée,
Sois l'écharpe offerte au désir qui change,
Sois la lampe chaste, la flamme étrange,
Sois la pensée !
Danse, danse au chant de ma flûte creuse,
Soeur des Soeurs divines.-- La moiteur glisse,
Baiser vain, le long de ta hanche lisse...
Vaine danseuse !
Op.118 "L'Horizon chimérique"
Texts by Jean de la Ville de Mirmont (1858-1924)
Music by Gabriel Fauré, Op.118, À Charles Panzéra
1. La Mer est infinie
2. Je me suis embarqué
3. Diane, Séléné
4. Vaisseaux, nous vous aurons aimés
1. La Mer est infinie
La Mer est infinie et mes rêves sont fous.
La mer chante au soleil en battant les falaises
Et mes rêves légers ne se sentent plus d'aise
De danser sur la mer comme des oiseaux soûls.
Le vaste mouvement des vagues les emporte,
La brise les agite et les roule en ses plis ;
Jouant dans le sillage. Ils feront une escorte
Aux vaisseaux que mon coeur dans leur fuite a suivis.
Ivres d'air et de sel et brûlés par l'écume
De la mer qui console et qui lave des pleurs
Ils connaîtront le large et sa bonne amertume ;
Les goélands perdus les prendront pour des leurs.
2. Je me suis embarqué
Je me suis embarqué sur un vaisseau qui danse
Et roule bord sur bord et tangue et se balance.
Mes pieds ont oublié la terre et ses chemins ;
Les vagues souples m'ont appris d'autres cadences
Plus belles que le rythme las des chants humains.
A vivre parmi vous, hèlas ! avais-je une âme ?
Mes frères, j'ai souffert sur tous vos continents.
Je ne veux que la mer, je ne veux que le vent
Pour me bercer, comme un enfant, au creux des lames.
Hors du port qui n'est plus qu'une image effacée,
Les larmes du départ ne brûlent plus mes yeux.
Je ne me souviens pas de mes derniers adieux...
O ma peine, ma peine, où vous ai-je laissée ?
3. Diane, Séléné
Diane, Séléné, lune de beau métal,
Qui reflète vers nous, par ta face déserte,
Dans l'immortel ennui du calme sidéral,
Le regret d'un soleil dont nous pleurons la perte.
O lune, je t'en veux de ta limpidité
Injurieuse au trouble vain des pauvres âmes,
Et mon coeur, toujours las et toujours agité,
Aspire vers la paix de ta nocturne flamme.
4. Vaisseaux, nous vous aurons aimés
Vaisseaux, nous vous aurons aimés en pure perte ;
Le dernier de vous tous est parti sur la mer.
Le couchant emporta tant de voiles ouvertes
Que ce port et mon coeur sont à jamais déserts.
La mer vous a rendus à votre destinée,
Au-delà du rivage où s'arrêtent nos pas.
Nous ne pouvions garder vos âmes enchaînées ;
Il vous faut des lointains que je ne connais pas
Je suis de ceux dont les désirs sont sur la terre.
Le souffle qui vous grise emplit mon coeur d'effroi,
Mais votre appel, au fond des soirs, me désespère,
Car j'ai de grands départs inassouvis en.
El secreto Op. 23 nº 3
Texto: Armand Silvestre (1837-1901)
Música: Gabriel Fauré
Publicado en 1881
Dedicado a Alice Boissonnet
No quiero que la mañana sepa
El nombre que le dije a la noche;
En el viento del amanecer, silenciosamente,
Puede evaporarse como una lágrima.
Quiero que el día proclame
El amor que escondí desde la mañana,
Y (sobre mi corazón abierto)
Encenderlo como un grano de incienso.
Quiero que el ocaso olvide
El secreto que le conté al día
Y llevarlo lejos con mi amor
En los pliegues de su pálida túnica.
También fueron dedicados a Alice Boissonnet: Automne Op. 18 no 3 y Les berceaux Op. 23 nº 1.
Tristesse, op. 6-2
Guzmán Hernando (tenor).
Aurelio Viribay (piano).